Cher père, chère mère
Á l’instant où je vous écris,
je me trouve dans une petite tranchée de seconde ligne. Mon bras droit me fait
un peu souffrir mais je suis parvenu à chasser les idées noires qui me
tourmentaient. Cette tranchée est étroite, boueuse et inconfortable, cependant
je sens mon cœur battre dans ma poitrine, je sens mes poumons s’emplir d’air,
je me sens en vie. Ces derniers jours, pas une fois la terreur ne m’a quittée.
Lorsque je me trouvais en première ligne, j’ai découvert le véritable sens du
mot « enfer ».
Les obus ont plu tel un orage
d’acier. Le ciel avait perdu sa belle teinture bleutée sue j’aimais tant étant
enfant. L’air devenait irrespirable à mesure que nos troupes avançaient. Le son
du vent à travers les arbres et les petits oiseaux chantants laissait place à
un horrible vacarme « d’insectes bourdonnants ». Tous mes sens
disparaissaient les uns après les autres. Les cadavres… que dis-je, les membres
humains, étaient éparpillés sur toute surface.
Père, mère, la guerre m’a achevée,
aussi physiquement que psychologiquement. Elle m’a dépourvu de toute humanité
et détruit le mince espoir que je gardais au fin fond de mon âme. Je ne sens
plus le goût de la nourriture que l’on me sert. Seule une terrible sensation de
mort m’habite désormais. J’ai du sang plein les mains. J’ai du gaz plein les
poumons. Et un étrange désir de vengeance. Je voudrais stopper ce massacre sans
précédent. Je voudrais me révolter contre le monde entier, leur dire que nous
ne sommes pas des machines à tuer, que nous sommes tous des hommes, tous des
frères, des compagnons, des amis. Et qu’il est purement insensé de faire
combattre des frères ensemble. Toutefois, m’écouteront-ils ? Feront-ils le
moindre effort pour pouvoir me comprendre ?
Je n’ai plus de forces. Je
pense qu’elles m’ont quittées il y a bien longtemps. Mon âme, elle, s’est
dispersée depuis lors. Peut-être était-ce quand mon regard s’est posé sur ce
corps qui me semblait familier. En le retournant, j’ai vu qu’il s’agissait de
mon plus cher compagnon. On m’a alors forcé à le porter et à le mettre sur un
tas d’autres. Entassés, comme des animaux.
Père, mère, je souhaite que le
reste de votre vie demeure malgré tout, paisible, dans la mesure du possible.
On m’a souvent reproché d’être trop pessimiste. Aujourd’hui, je suis purement
et simplement réaliste. Je le sais. Je le sens. Je n’en ai guère pour très
longtemps avant que l’on ne me range dans le tas de cadavres, avec tous les
autres. Père mère, ne soyez pas trop malheureux, je sub
sisterais éternellement
dans vos cœurs.
Affectueusement.
Votre
fils Ethan Jasper SPARKS.
E.J.S { Mad Hatter }.