Je me contentais d’observer, de regarder,
lasse de toute émotion apparente, le triste spectacle s’offrant à moi. Ma
déception fut telle que seule la pesanteur retenait mes pieds à terre.
La nuit
passée, je m’étais endormie avec difficulté. Mon imperceptible impatience se
justifiait souvent par un manque de sommeil. Mon esprit semblait vagabonder de
toute part, à la recherche de questions sans réponses. Je me ressassais tout
souvenirs ou évocations semblables à la beauté. Les faibles souvenirs de ma
petite enfance me ramenaient inconcevablement vers cette journée féerique où
l’on m’avait emmenée dans ce curieux endroit dont aucun mot ne parvenait à
décrire sa véritable nature. Ce jour nouveau était désormais arrivé. Mon petit
paradis terrestre allait finalement se matérialiser sous mes yeux pétillants,
dans mon cœur, au creux de mon esprit tout entier. Les paupières lourdes et le
souffle régulier, mes songes eux-mêmes ne se projetaient qu’au lendemain, preuve
que mon subconscient demeurait rempli de magie. Ce rêve revenait sans cesse ces
dernières nuits, sans pour autant que je puisse, un temps soit peu m’en lasser,
ne serait-ce qu’une fraction de seconde…
Le ciel exprimait une pâle teinte grisâtre.
Quelques doux rayons lumineux venaient percer ce ciel miraculé. Une légère
brise de vent demeurait alors que les feuilles des arbres s’hérissaient
légèrement et…
Mes
yeux s’ouvrirent si soudainement sous la sonnerie du réveil qu’il me fallut
plusieurs minutes pour réaliser le fait que je me trouvais encore entre mes
draps. Tout cela deviendrait une
réalité.
Je
descendis de l’autobus qui m’arrêtait devant un vieil arrêt abandonné. Une
imperceptible sourire aux lèvres, je courus autant que mon corps me le permit à
travers les feuillages. Mon cœur cognait à travers ma poitrine. Je respirais difficilement.
Tandis que je m’engageais à travers les arbustes, une allée se dégagea. Je
traversai à perdre haleine et aperçut le petit talus de mes souvenirs menant
vers mon petit paradis terrestre quand soudain je sentis mon cœur rater un
battement…
Mes
yeux s’écarquillèrent sous ce spectacle désolant. Mes épaules s’affaissèrent
lourdement, semblant porter la totalité du malheur humain. Mon idéaliste eden ne comprenait pas la moindre ressemblance avec celui de mon enfance. Une petite
partie de mon âme se brisa et le tableau m’apparut de plein fouet.
La
verdure semblait stérile et abandonnée depuis plusieurs années. Désormais, la
cascade bleutée de mon rêve était recouverte de déchets, d’ordures,
d’immondices les plus horribles que j’eusse vue. Dépourvue de toute humanité,
la terre avait perdu son éclat étincelant.
Le ciel, couvert de nuages, semblait prévoir une pluie incessante à la vue de
ses nuances. Je ne parvins pas à décrire les sentiments m’habitant, tant je me
sentais désorientée. Entre déception et écoeurement, dégoût et tristesse,
frustration, accompagnée d’un sentiment de vide qui ne me quittait plus. Aussi,
je ne fus nullement tentée de faire un pas de plus. Avec la forcé des années,
la contamination et les détritus semblaient avoir succédés à toute beauté de ce
lieu. Telle était la preuve même que la moindre parcelle pureté est anéantit en
cette société abjecte.
E.J.S { Mad Hatter }.
E.J.S { Mad Hatter }.