Entre Lysandre.
LYSANDRE. — Rêver ou ne pas rêver, c’est là
la question. M’accusant d’utopie, c’est la désillusion que je considère dans
votre regard. Que me présentez-vous, plein de considération ? Une vraie
réalité ? J’en demeure encore interdit. Est-ce un mal que de prétendre à
l’eau claire quand le reste n’est que marée ? Oui messieurs, je prône de
rêver, mais me dispense à l’idéalisme. Les yeux ouverts, le sourire piètre, la
démarche chétive. Je m’interroge sur le sens de votre identité.
Des pas lourds, des heures longues… (parcourt la scène) Que de choix, vie
enviable ! Quel accablement ! Votre destinée mérite le désir ? Au
royaume des aveugles, je ne suis pas le roi. Ecarté et indésirable, quelle
fatalité m’imposez-vous ? Qui voudrait suivre une existence … dénuée de
désirs ? Ainsi absente de passion, pour ne dire vaine ? Je me le
demande.
Je suis rêveur ? Mais des rêves… Diable ! N’en sommes-nous donc pas
bercés ? Et tout ne meurt donc pas vers l’âge de raison ? Dans
l’éclat de vos fourbes mensonges. Pardon à vous, j’ai sauté cette étape, et
demeure infaillible.
Les songes sont le jour ; les songes
sont la nuit. Tels des mirages, des mythes, des espérances, peut-être des
chimères. Néanmoins, cette dernière ne cesse de m’apparaître sous le trait de
vos visages.
Me crachant au visage, à tort et à travers,
que mon monde virtuel n’est qu’illusion ! M’y cacherais-je ? Pas du
moins. Ce n’est pas une fuite, puisque je suis là, à ce jour, sur mes deux
pieds, dans le « réel ». Qu’est-ce le réel ? Qu’est-ce qui ne
l’est pas ? Si vous le concevez, existe-t-il vraiment Oui, je
m’affirme dans l’imaginaire. Je dépasse vos limites, vos frontières, vos
contraintes. Moi, mon monde est infini. Je construis et reconstruis, je crée,
j’assemble, je forme, je compose. Je ne rêve pas, je vis.
C’est vrai, je fuis. Je fuis l’humiliation de
votre société, votre crainte d’une foi absurde, vos enjeux de pouvoir
corrompue. Je me désole de votre soif de souillures. (regarde le sol)
Je suis un voyageur, et je parcours mille
fois le chemin de la vie. Si mon orientation est encore incertaine, j’errerais,
en quête de concepts nouveaux. (lève la
tête haute vers le public)
Je clame mes mots aujourd’hui, Père, Mère,
Professeurs ! je me refuse à votre infâme réalité ! Je contemple une
réalité plus manifeste que celle dont vous élogiez. Au revoir, je pars
vivre !
E.J.S { Mad Hatter }.